• Angoulême, tout le monde descend

     Jean-Claude Leroy

     

    Angoulême, tout le monde descend

    à Angoulême Monsieur le Maire

    a fait grillager les bancs publics

    pour ne pas que les SDF

    les SDF

    pour ne pas qu’ils…

    car la sécurité ne tient qu’à un fil

    des fois qu’ils déféqueraient

    déjà qu’ils sentent la merde

    comme si ça n’était pas la mienne

    y a-t-il encore des gens parmi nous

    à faire la différence

    entre lepéniste et socialiste

    entre racialiste historique

    et nazi qui s’ignore

    y a-t-il encore des gens

    à part les abuseurs, les péteux

    les corrompus, les suppôts de l’attente pour rien

    je veux dire… : l’attente

    y a-t-il encore des imbéciles parmi nous

    à croire au bulletin de vote

    à croire aux politiciens

    et à tous ces mecs de la télécratie

    tous ces viveurs en aquarium

    en société-écran

    experts en propagande

    en sondage

    en embrouillaminis

    en entubage de populace

    laquelle parfois se ramasse sur elle-même

    dans la prostration et dans l’attente du dernier jour

    ils ont eu Munich et ils ont eu la guerre !

    le déshonneur et la chienlit

    mais au moins l’important

    c’est que ça crève dans la rue

    par dizaines dans le froid

    pendant que le CAC 40 nous fait ses nerfs

    sa crise de foie

    ou de Macron-finance

    à la télé pour la pitance de qui ?

    qui aime Macron ?

    qui aime Hollande ?

    qui aime ses organes sans société ?

    mettre Paris dans une bouteille

    Angoulême dans un grillage

    dans l’impatience des barbelés

    et du bon débarras

    plus de juifs roumains ou hongrois

    plus de nomades ingouvernables

    plus de peuple sans État

    dans quel état !

    les chiens sont plus humains

    efficaces en cas de manche

    puisque c’est bon d’avoir les crocs

    et les flics sont parmi nous

    à l’intérieur entre les dents

    on a beau se gratter les puces

    elles repoussent avec des gueules d’indics

    je passe ma vie à dénoncer

    sans jamais toucher la prime

    il me fallait l’uniforme !

    le pas de l’oie !

    et toutes ces lois raciales

    maquillées en sécuritaire

    la broyeuse rationnelle

    la même qui fait bander les économistes

    que va devenir le petit Poucet !

    cailloux, hiboux,

    à genoux les écoliers

    dans l’église sans âme

    d’un univers rétréci

    où le désir fait sa réclame

    ou sa pornographie

    en attendant l’épithalame

    la crevaison en bout de course

    d’un navigateur solitaire

    noyé dans une mer déchaînée

    où pourtant il se mourrait d’ennui

    casse tes jouets mon enfant !

    déchire le grillage !

    et prends ta merde à bras-le-corps

    puisque c’est la tienne

    tout autant que celle des autres

    faudrait pas déconner avec ça !

    faudrait pas faire semblant de vivre

    alors que ça crève de partout

    à ta porte et dans ton cœur

    à Angoulême comme ailleurs

    pas d’espace pour vos fesses

    faudrait agrandir l’espèce

    dans un Reich pour cent mille ans

    que ça respire dans un espace

    sans SDF, n’est-ce pas ?

    qui sentent la merde à dégueuler

    à vomir ses huîtres et ses confits

    on ne sait pas quoi exactement

    mais on n’en peut plus

    qui n’en finit pas

    et la révolution qui n’arrive pas

    comme si elle avait à venir

    quelque part au moins une fois

    Dieu ou Godot ou bien ma Mort

    en attendant la trique !

    comme si ça n’était pas maintenant

    quand la trouille n’est plus qu’un piment

    dans l’assiette que tu vas briser enfin

    pour dévorer la vie

    à pleines dents

    à pleines rages

    à peine vivant

    mais toujours là

    aimant

    et gueulant…

     

     

    cf. sur Mediapart : Invitation aux funérailles de Michel SDF du métro République →

     


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