• Après l’agonie vient l’heure de l’achèvement...

    Maë Tantris

    Dans cette Russie qu’est la France le moindre petit fonctionnaire désireux de se grandir exerce son micro-pouvoir provincial avec le zèle officiel des représentants de la raison d’État gardée. Et derrière le “règlement règlement !” il est toujours question de prôner l’élection du contribuable le plus moyen tandis que se poursuit l’élimination des Juifs ou des Roms de notre époque, les sans-travail, marginaux, “salauds de pauvres” et autre bizarres. Et dire que la machine tourne bien c’est dire que ça continue de collaborer plus que jamais...
    Sous couvert de consignes ouvertement guidées par l’acceptation de la rupture sociale, quoique planquées sous le nom de “solidarité”, le moindre valet civil devient effectivement, et en toute bonne conscience, le “chien de garde” idéal sinon l’homme de main toujours prêt aux bases besognes. Les journaux nous disent qu’un RMiste de plus, victime de la “délicatesse” administrative, s’est laissé suicidé ) !

    Par ailleurs on devine bien que les hôpitaux psychiatriques se gavent de ce genre de victimes aux cœurs trop sensibles. De la sorte le capital le plus humain gît dans ces coffre-forts de nos démocraties que sont les “hopitaux spécialisés”. Celui de Mayenne est florissant comme on sait. Et bientôt, une excroissance de cet établissement ouvrira grandes ses portes à Laval, chef-lieu élémentaire d’un département dont l’emblême n’est autre qu’un cheval fou.
    Il y aura ainsi moins loin entre le quai Paul Boudet où sévissent les tristes figures de la CAF et le sas de sureté mentale dans lequel viendront se condamner nos bizarres, résistants de tous poils au monolitisme d’une pseudo-sapience culturellement dictatoriale. Moins loin donc, jusqu’à la chambre à gaz psychologique ! Le système d’élimination est très au point !
    Durant ce temps les Commissions Locales d’Insertion et leurs aides de camp/travailleurs sociaux reprendront le discours incongru d’une intégration nécessaire. Tout ce monde, exhalant un humanisme bon teint, moulé à l’hypocrite légitimité gestionnaire d’une contingence présentée comme fatale ! Rien de tel pour faire porter aux martyrs le poids même du crime qui les efface.
    Ainsi, l’ordre libéral nouveau signe sa perfection “jusque dans nos campagnes” (les avions Hollywood et les missiles Wallstreet de l’OTAN commandent avant tout aux esprits). Il ne lui reste plus que des leçons à donner, spécialement à ceux qui errent dignement hors de ses empreintes et de ses fientes. Notre même paysage univoque pourrait certes s’emplir d’une humeur soudaine. À travers l’épanouissement servile d’une “morale des esclaves” nous pourrions entrevoir, sans y croire, la prémisse d’une fronde sans merci. Une fronde qui saurait être le dernier combat. Puisque après l’agonie vient l’heure de l’achèvement...

     

    [...]
    Décombres, toutes les ruines
    si nues ce matin -
    il n’y a de vrai
    que toi et l’illimité -
    bois et toutes les ombres
    pendent leurs lèvres dans le verre,
    tu nourris ta lassitude
     - laisse donc - !
    [...]
    Gottfried Benn

     

    in Tiens n°7 (mars 1999)





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