• Nuit du 5 juin 2010

    Jean-Claude Leroy  (Pondicherry, juin 1993)

    Carnet de veille

     

     

     






    Longue marche vers Multyapet, dans les villages et les plages. Villages denses, multiples sous les cocotiers, enfants et chiens dolents, vies murmurantes près des plages où travaillent les pêcheurs entre les pirogues et les filets. À la lisière des vagues, les silhouettes accroupies de ceux qui chient en bavardant, se lavent le cul de la main gauche.

    • Ce matin conversation avec un vieux pondichérien qui a longtemps vécu en France. Bavard, suffisant, nationaliste (français), sympathique sans doute. En l’entendant j’étais plongé dans l’esprit de la 3ème république. Étroite culture scolaire plus lecture d’informations prises au premier degré fabrique ce genre de penseur sans pensées, de philosophie sans philosophie.

    • Il y a un grand désordre chez les vieillards, le miracle de la décomposition.

    • L’engagement c’est l’acte charnel. La vision – vision forcément partielle – c’est le rapport platonique, inexpérimenté, inexpérimental.

    • Hier soir, rue Lal Bahadur, un orage formidable m’a trempé les pieds. Plus tard vers la mer j’observais la ville à l’ombre de la panne électrique et les zébrures qui explosaient dans le ciel ou dans la mer. J’étais aveugle, j’avançais comme un enfant.

    • Pourquoi suis-je seul à savoir ce que je sais ? pense l’un. Est-ce la solitude qui me rend si savant ? pense l’autre.

    • Ailleurs, nulle part. Peut-être sans rêves, je rêve sans projet. Ne pas oublier que je suis dans un temps privilégié ou le moindre souffle doit m’être profitable, c’est du moins ce que je sens. Un tel silence autour de moi quand j’écoute mieux et laisse parler mon silence intérieur. Les deux silences s’épousent alors et s’abritent résolument au creux de mon sentiment.

    • L’esprit, instrument de défense.

    • Je n’oublie personne, je suis peuplé. La vie avance en dedans de moi, je n’ose plus vieillir. Pourtant, j’ai l’âge d’avoir incorporé la base de calcul. Passé 25 ans, on compte les morts. Ne pas trop jouir cependant de cette redoutable indépendance. Les déjections éclaboussent la vision, quelquefois se collent à notre histoire et deviennent notre "vivre". Comment  en même temps garder à cœur et garder ce cœur battant ?

    • Supériorité de l’enfance sur l’âge adulte, celle du pourquoi sur le comment.

    • " Le monde entier est en flamme. Si je fais partie de ce monde et que le monde est moi-même, il faut que je mette fin à ce feu. Nous demeurons naufragés devant ce problème. Parce que c’est un manque d’attention qui a introduit tout ce chaos dans le monde. On peut s’apercevoir de ce fait curieux que l’inattention est négation – manque d’attention, manque d’être sur place au moment même. Comment est-il possible de prendre conscience de son inattention d’une façon si complète qu’elle se transforme en attention ? Comment puis-je prendre conscience de cette cruauté qui est en moi d’une façon si complète et instantanée, avec une énergie intense, de sorte qu’il n’y ait aucun frottement, aucune contradiction, et que ma prise de conscience soit totale ou entière ? Comment aboutir à cet état de chose ? Nous avons dit que ce n’était possible que là où il y a une attention complète, et cette attention complète n’existe pas parce que notre vie se passe à gaspiller notre énergie dans notre état d’inattention."

    Krishnamurti, Le vol de l’aigle

     

    J-C L (Pondicherry, juin 1993)



    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :