• Écluse

    Joël Gayraud

    oui mon amie
    oui morte ou menthe
    oui
    que le temps et la tête sonnent plus creux
    plus noir plus osseux
    que le sol bave à la paume décharnée de tes mains noires
    que le palais mange ses enfants
    avale et détruise les parapets
    et que l'eau
    avale le pont
    la vallée
    le personnage accoudé à la ville et qui lâche les lions dans la nuit
    le réverbère où grince un pendu
    le vent de janvier
    et les roses pâles s'effaçant sous la neige
    prenant la couleur de la neige
    les sens intangibles de la neige
    oui la blancheur qui recouvre
    le drap
    le terme d'une longue soustraction
    oui mon amie de menthe morte
    où t'es-tu échouée dans ta lente descente
    contre les bords de quels navires
    ton corps est-il venu se jeter et se jeter
    tes os se rompre
    ton front si blanc - il neige au-dehors -
    éclater comme un fruit pourri
    tes yeux rouler au fond de l'estuaire
    tes yeux d'algues marines
    tes yeux englués de goémons
    qui s'enfoncent dans la vase du port

     

    in revue L'Impromtu, n°2


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