• * J-D Moreau : Les eaux du dessous (texte d'Yvan Serouge)

    Jean-David Moreau & Yvan Serouge


     



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    Mais qu’est-ce qui sort de ta bouche ?

    On aurait tout vu.

    Impressionnant déballage de sucs.

    Grâce de ces eaux lourdes.

    Dense flopée dont j’assiste à la fonte.

    Elle me file entre les doigts et se veut lascive.

    L’active inondée.

    Clapotis et petite mécanique sonore.

    Au désir se mêle un vague dégoût d’y avoir plongé.

    Mais il n’est plus temps de faire machine arrière.

    Déjà nous avons mis un doigt dans l’engrenage moite.

    Le reste suivra.


       
     
    Des figures sorties du fond des flots vont passer au bac de révélation avant l’heure collectionne primo un magma de dentelles en vue de leur engloutissement là s’offrir de suivre cette succession de stries le va-et-vient des doublures brassées jusqu’au spasme l’incontrôlable réseau de membranes froncées et le mouillement vultueux des trames engorgées au contact suintant dont on ne reçoit qu’une écume ébène.
     
     
       

    L’objet humain.

    On s’y enfonce comme dans la chair.

    Sans dessous-dessus ça suinte exhale exsude perle.

    Viscosité.

    Ecartement ininterrompu.

    Glissando sans terme.

    Ecoulement activité flasque.

    Mon œil fait éponge.

    Ça pleut de l’intérieur.

    Pleurs impérieux.

    Jamais la fin du fût.

    Du flux.

       
       
    Mouvements aveugles une matière épaisse ronge l’espace miroitant de l’eau les parures abolissent toute surface de réflexion nouvelle trouée l’éclipse est presque totale elles percent à jour pour venir affleurer enchevêtrées sur l’onde glougloutante et huileuse des lingeries à vau-l’eau parfaite combinatoire ce qui s’est vu précipité au cul du baquet s’étire délesté de sa forme originelle des masses viennent reprendre leur respiration dans d’étranges contorsions comme un corps musclé bandé se contracte se dilate spirales élastiques approximatives des pièces de nylon ou de soie sombre repliées puis cachetées avec soin larves protégées par l’enveloppe non encore éclose petit monde chorégraphique où les pans glissent l’un sur l’autre du pur virtuel imbroglio embryonnaire qui en vertu de ses torsions fera advenir un univers déchargé du poids du réel.
       

    Déclinaison d’un seul et même acte.

    Déclin.

    Désordre obscène.

    Carnes dévoyées ces frusques.

    Malléables informes.

    Elles ont fait le pari de l’ombre.

    Entre relâchement et crispation.

    Resserrement repliement.

    On s'engage dans la fronce.

    L’eau dispose du tissu et inversement.

    A l’infini.

    D’où l’élargissement dans l’étreinte.

    Les enlacements assouplis déliés.

             Cette retraite enténébrée.
       
       

    Incessante variation continuité d’un sang qui coule par cycles d’appartenance à une vie prolifère viscérale obscures menstrues rincées à l’eau claire entrez en contemplation le poids mort du cadavre s’acharne à troubler votre regard la boue masque mal la pâleur de certains traits ondulation de ces vêtements liquides hypertrophiés bizarres froissements de l’épaisseur agglutinée stable abandon côtoiement mouillé irrigué jusqu’à la lie enroulements langoureux somptueux allongement des fronces ramollies torsades gluantes poissant le sirupeux entortillage cloqué agglomérats d’une gelée affermie coagulation des hardes retroussées accidents bouffissure des tissures résurgence dans un demi-sommeil mythique de Dieux sans visages inconsciences animales s'étanchant aux sources déployées de l’ivresse délires d’une imagination brouillée par les signes du confinement et les vapeurs charnelles d’eau-de-vie.


       
     

    Végétatifs lambeaux.

    Jouir d’une présence sur le lit de l’eau.

    Outre l’absence de l’objet représenté.

    Douteuse approche.

    Corps à corps privé de sens.

    Quelque chose ne va pas s’englue stagne.

    Et le rideau reste tiré sur la tragédie.

    Seule flotte l’angoisse.

    Jeune fiancée range ton insupportable trousseau stérile.

    Eaux vaseuses de la déchirure.

    Bourrelets collants saturés.

    Soleil à jamais voilé nuit perpétuelle de ces linges.

    Rien ne restitue la lumière.

    Radeaux chavirés naufrage au cours de l'embrassade.

    Sombrons dans une songerie démentielle.

    Comme après le déluge.

             Plaines noyées de brume.
       
       
     
    Mauvaises compagnies qui broyant du noir hument ces nippes imitent le mouvement mais restent statiques simplement regarder la noirceur des tréfonds image indiquant le lieu de la profondeur en même temps qu’elle le nie une identité impossible pourtant s’écrit s’inscrit à la surface esquisses perverses charriées par l’eau c’est l’histoire d’une mutilation de l’œil il n'y a ici ni miroir ni voile ou plutôt l’un recouvre l’autre ça sent le savon noir les crevasses engorgées chiffonnées et l’incontrôlable chatoiement de zébrures entailles craquelées indéfectibles poches renflement fripé fressure en brouillon coutures charbonnées spasmes à saturation brassage rétraction brèche infiltrant tout le jour.
       
       


    Aspiration dans le trou.

    Seules quelques lignes claires.

    On ne s’y retrouve pas dans ce mol entortillement de fils.

    Nulle prise sur l’amoncellement compact gavé de sèves.

    Cette expérience même nous embrouille nous embourbe.

    Torpeur léthargique.

    Néant qui nous renvoie ses vibrations.

    Comment participer à cet étirement décidément trop intime.

    Atmosphère feutrée étouffée.

    Cri bâillonné par les eaux.


       

    Brouillamini organique les étoffes résistent à la chute et ces culottes aquatiles se déplacent au fil d’infiltrations sinueuses peu à peu la pensée s’y repère dans cette écriture alambiquée sujette aux phénomènes de rabattements tantôt hasards miraculeux tantôt déception et aléas de l’eau comme on relancerait les dés métamorphose et mue corps en décomposition revenants recomposés sans cesse liés au devenir ô espace diffracté que se détache sur ma rétine quelque chose de net comme d’invoquer une présence insondable visages solubles dans l’eau échoués sur des rives dégouttantes unies par la nature poreuse de leurs parois.

     


       
     

    Lavons en solitaires notre linge sale.

    Cela ne regarde personne.

    Circulez tissus il n’y a rien à voir.

    Dégagez l’espace.

    L’espace d’un instant.

    Je vous prie saint-suaire.

    De faire apparaître un visage.

    Ou le recto d’un con.

    Quoi un cul quelque chose.

    Un être en entier.

    Plus qu’un double.

             Un autre.
       
       
     
    Errances de ces soieries elles surgissent dans leur plus simple appareil culottes issues des marécages pleines du désir de se dévoiler se déployer fermement assurées sur leur base mobile dessous venus des dessous des sous-vêtements enfoncés submersibles flanqués au creux du bassinet à la dérive charriés par une force fluide et turbulente perdue sous la surface girations aquatiques courants tourbillons coulées presque voluptueuses.
       
       
       Retrouver dans la moiteur de son être un gouffre pourtant très familier embarcation pour une traversée singulière sur des eaux goudronneuses par leur gracieuse flottaison ces tissus se refusent à tomber sous le sens en sorte que l’eau soutiendrait un mensonge bloc de douleur monstrueux les indices d’une humanité antérieure sont si faibles chose aveugle cocon à peine défait l’orifice intumescent pouvoir plonger son regard au creux de la densité des sables mouvants l’enchevêtrement froissé de saignées noires ou moirées oscillant entre retroussis et éminence fentes distendues ouvertures bouffantes hiatus ondes lézardées d’interstices par l’appétence de la mouillure noir qui gagne encore sur le noir.
       
       

    Immerger frotter malaxer.

    Triturer la cavité opération bringuebalante.

    Ce ne sont que des mots balbutiés.

    Supportés par l’élément liquide.

    Œuvre détrempée.

    Détrompez-vous.

    Nul moyen ici de rester au sec.

    Un fouillis sourd reçoit la poussée horizontale.

    Chimie nue des raies de lumière.

             Sous l’œil la bête surnage.
       
       
     
       
       
       
       
      © Jean-David Moreau

     © Yvan Serouge

       
       
       

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