• Juste un mot en passant

      Patrick Lafourcade

     

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     Tôt ce matin - tiens... ah, ben tiens... c’est le 1er janvier ! - j’suis parti à mon jardin potager par le p’tit train de banlieue. Cette fois, pas de problème, le trajet s’est fait dans les temps : quatorze ans. Y’avait pas de travaux sur la voie. À peine arrivé, qu’est-ce que je vois... y’avait plein de dollars qui s’étaient mis entre les radis !

    J’en ai arraché des brouettes. Je me disais : quatorze ans, et pas un radis ! Sûr qu’ils étaient trop petits pour faire le hors-d’œuvre de midi. À cause des dollars envahissants. Mon carré de radis en était couvert. Et la FED qui en imprime encore et toujours... le dernier coup : trois-cents milliards... pas étonnant qu’il y en ait plein mes radis... j’habite à Moscou, enfin, par là, vous savez... J’aime bien l’Ossétie du Sud, les oliviers, les grands voiliers, la cuisine méditerranéenne... par exemple les « calamares en su tinta » sur un lit d’aubergines confites au four... je me repasse tout le temps la vidéo (série ‘olfacto’, un délice).

    Quel pied !

    Surtout, surtout, j’aime bien les petits Obamas au fenouil, avec des actions pourries autour, sur un lit de Bons du Trésor zuniens (on dit qu’ils furent acquis par les chinois et bradés en catastrophe aux malgaches (de là, ils passèrent en fraude au Soudan pour être fourgués à Kadhafi, l’homme à la moumoute, qui les refila aux Grecs sous couvert de philanthropie... pour les ‘renflouer’, hi, hi...)... n’empêche... on va sauver l’Europe grâce à des réincarnations de Kadhafi, et puis de Khodorkovski ou quelque chose comme ça (le pôvre), c’est génial !... tandis que Larouche et moi, je me suis laissé dire qu’on a eu du mal au Brésil quand ils ont remonté le taux de base des prêts bancaires : à 12.5 %, hein, tout de même... une grosse épine... et que danse le pied ! Mais tout ça, c’est de l’histoire ancienne.

    Les fonds du Golfe du Mexique, aussi, ça nous a fait mal : transformés en gruyère, les côtes tapissées de pétrole... mais ne parlons pas des choses qui fâchent, ah non... un jour comme aujourd’hui, un samedi !

    De toute façon, ça ne fait pas un pli : on va avoir chaud aux fesses. A mon retour du jardin, dans quatorze ans, je vais plus rien reconnaître. Pensez donc : les brésiliens, les russes, les indiens et les chinois - le BRIC - maîtres du monde !... les amerlos transformés en nord-coréens tous en bleu de travail avec une ficelle comme ceinture. Les européens pétrifiés en majorité silencieuse éternelle, une ascèse d’un genre nouveau - façon yogi de banlieue, si vous voyez ce que je veux dire - pratiquée à heures fixes, cependant qu’une caste pléthorique de grossistes crypto-altruistes déguisés les uns en simples renonçants, les autres en anachorètes, d’autres encore en miliciens, voire en tontons-macoutes s’appliquent à faire régner l’ordre avec une ferveur telle que leurs yeux brûlent d’un feu insoutenable, quelque chose d’impressionnant...

    Et pas de coiffeurs ! Plus un seul. Plus de voitures. Rien que des patinettes et des bouquets de fleurs artificielles à tous les coins de rue. Les banques transformées en ashrams. J’vous dis pas l’ambiance, aum mani padme ouuuummmmmmh !

    Le Brazil, quant à lui, spécialisé dans les produits dérivés du Carnaval (des milliards de t-shirts) et les meubles en panneaux de topaze authentique. La sylve amazonienne stabilisée par imprégnation de silicones à cœur. Des millions de singes en peluche de cellulose répartis dans les frondaisons stabilisées. Le tout badigeonné à la peinture fluorescente. Polychromie gigantesque. Spectacle merveilleux... à voir de préférence la nuit. Vertigineux. Des navettes sont organisées par convois entiers de patinettes sillonnant du soir au matin la plus grande jungle naturalisée du monde.

    A côté de mon grand carré de radis (1 m de côté), j’ai semé des haricots mange-tout. Puis, du persil. Les autres légumes, y’en a plus : patates, carottes, poireaux tout ça, c’est de l’histoire ancienne... la peste transgénique a tout balayé. Alors, mes petits légumes rescapés, j’y tiens beaucoup, hein... c’est naturel ! Et puis, c’est la nostalgie, que voulez-vous. Des fois, j’en ai marre de bouffer du totaliment à longueur d’année.

    Bon, bon. Ensuite, j’ai construit cinq petites cases dites « euthanagènes ». On en a tous, par chez nous, de ces cases. C’est très intéressant : on les loue à l’administration. Ils en redemandent. Mais attention, ils ne les acceptent que recouvertes de vigne vierge, ensevelies sous un feuillage en polychlorure de vinyl (ou genre). Dès qu’elles sont bien vertes, bien enfouies sous le feuillage (comme le sont, Dieu soit loué, les miennes), ils arrivent avec des fourgons et se livrent à tout un trafic de « patients » sous perfusion - morts ou vifs, on ne sait pas trop - mais ce qu’on sait, c’est qu’ils payent tous les mois. Recta.

    Retour à la maison par le petit train. Quatorze ans, comme d’habitude. Quinze ou seize quand il y a des travaux. Et dire qu’on est déjà samedi !

    Où allons-nous... mon Dieu, je me le demande.

     

     

    Patrick Lafourcade


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