• L'Atelier nomade de Marc Girard

    Marc Girard       Jean-Claude Leroy 

    L'Atelier nomade de Marc GirardPlutôt qu’artiste, il se dit «passant». Dans un ancien entrepôt de peintures, 3, quai de Waiblingen à Mayenne, Marc Girard a planté son atelier nomade, L’Atelier, à la fois lieu de travail et lieu d’exposition. Jadis, ce fut sans aucun doute un vague hangar dressé sur ses parpaings, c’est aujourd’hui un espace pour des créations plus singulières. Peut-être verrez-vous, tel jour à tel endroit, une affiche qui y invite. Si vous la suivez, vous compterez bientôt parmi les amateurs de ce territoire.

    Marc Girard expose régulièrement à L’Atelier ses travaux en cours, dernièrement des dessins à l’encre d’imprimerie, petits formats marqués d’ombres et de lumières noires, ensemble assorti de quelques grands dessins et peintures plus anciens. Tout un monde qui, parfois, semble cousin des mondes de Victor Brauner et Joan Mirò, mais le plus souvent n’appartient qu’à celui qui le traverse avant nous.
     

    J’ai demandé à Marc Girard de nous parler de la manière dont il travaille :

    « Je ne vais pas courir dans un magasin de Beaux-Arts chercher du matériel. Dans mon travail il y a toujours la dimension expérimentale. Je pars de ce que j’ai sous la main. Je pars de mon environnement.

    Par exemple : il y a quelques années, j’étais dans le sud de la France, à la campagne. Je m’amusais avec de cailloux. J’ai commencé à les empiler, essayant de monter une colonne de cailloux. J’étais fasciné par la sensation de pesanteur, de gravité que ce jeu pouvait produire.

    Quand je suis venu vivre à Montreuil-Poulay (petite commune à quelques kilomètres de Mayenne), j’ai bientôt commencé à dessiner ces empilements. Par le dessin, j’essayais de m’approcher de la sensation que j’avais connue en empilant les pierres. Puis j’ai vu qu’il fallait un sol pour que l’empilement puisse se faire, un bas pour qu’un haut puisse exister… Cette réflexion fut un temps la matière de mon travail. »

    L'Atelier nomade de Marc Girard

    Marc Girard invite également des artistes amis à présenter ici leurs œuvres. Et on a vu aussi des pièces d’un certain théâtre joué là par des professionnels de passage, des concerts donné sans fioritures ni tiroir-caisse, des moments murmurés de pures poésies orales.

    Ces amis arrivent parfois de loin, c’est que Marc Girard a pas mal roulé sa bosse et ses yeux fiers, et il en connaît du monde ! D’aucuns l’ont croisé aux Antilles, ou tenant la barre d’un voilier sur l’atlantique : d’autres, en Espagne, en Israël, sans parler d’un Périgord, non loin de Henry Miller ou de François Augiéras. Et mêmes hors de ce monde ! L’automne dernier ne conviait-il pas dans son antre lumineux, Jacques Reumeau peintre mayennais disparu il y a une dizaine d’années et qui a laissé une trace profonde dans de nombreuses mémoires. Les deux œuvres avaient à se parler dans un même lieu, comme prolongation indispensable d’une rencontre trop brève, écourtée par la mort du plus ancien.

    Sur les lieux qu’il a abordés Marc Girard se souvient notamment du désert d’Israël : « Le désert, c’est un empilement de pierres. L’ami avec qui j’étais me disait que je pouvais empiler les pierres quelque part dans le désert et repasser mille ans après, ça n’aurait pas bougé. De ces petits empilements qu’on voyait, il me dit que c’étaient les Bédouins qui faisaient ça. C’est un moyen de communication entre eux. Cela rencontre l’écriture. »

    La quête de Marc Girard relève de la pure expérience poétique, c’est-à-dire totale et initiatique. Marc Girard s’aventure entre les signes et la matière, rendant physique tout un monde qu’il appréhende d’instinct. Sa peinture marche en équilibre dans un espace évident. C’est une peinture absolument accessible, parlante, très expressive et pensée.

    « Mon travail actuel est ambidextre. En travaillant à deux mains je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de choses qui se simplifiaient. Et pas de pensées parasites qui viennent obscurcir le travail. Il y a autre chose…»

    De ses cheminements, l’artiste-chercheur (ou passant-chercheur) sait tirer des propositions en épisodes, véritables actes de foi picturaux, journaux personnels du songeur en action.

    S’il semble emprunter des pistes multiples avec la connaissance mûrie du visible et l’appréhension de son mystère.

    Qu’il use de la technique du pastel, comme il le fit il y a quelque temps déjà, ou qu’il pratique des deux mains trempées, dans un vœu de symétrie, c’est toujours, à l’œuvre la même franchise, la même main tendue et ferme. Rare exemple aujourd’hui d’un artiste à la fois en résistance et continuellement constructif, entraînant. Rageur et vainqueur.

    Et c’est évidemment sans l’appui, ni même la compréhension, des prêcheurs patentés du soutien artistique que Marc Girard trace son chemin propre. C’est ainsi, l’artiste se bat positivement contre toutes les contingences.

    Aujourd’hui, l’atelier du passant Marc Girard est ancré en bordure de Mayenne, demain où sera- t- il ? Il restera les regrets pour certains ou le culte mnémonique rendu à celui qui s’est éloigné. Tandis que d’aucuns savent puiser le vivant où il coule.

     

    Jean-Claude Leroy in Maine Découverte n°23, déc. 1999.

     

     


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