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L’œil a tourné de l'homme
d’avoir trop vu
trop su des turpitudes
évanoui dans les regards stériles
L’ŒIL A TOURNÉ DE L’HOMME
bascule dans le tain de la glace
ne te regarde pas
tu saignes
morsures des cerbères
caresses des milices
plus rien à savoir
circule !
ta peur n’est pas la mienne
dans le noir des époques tu peux tout faire
sur toi sur moi sur tous
tirer dans le tas
lâcher ta haine
ton impuissance mortelle
médiocre flic ou frère de chagrin
ignare de la vie
L’ŒIL SE FERME AVANT DE NAÎTRE
journée sans découverte
tout est tellement déjà là
sous le couvercle suspendu
ce prix qu’il faut payer
pour ce gâchis d’humanité
au nom de quoi ?
au nom de quoi ?
nous ne savons tous que sombrer
mais quelques-uns c’est un nombre pourtant
et qui est ce nous qui n’est pas le mien ?
je contemple des ciels où se marient les regards
je contemple des mondes dans un minuscule à-peu-près
je contemple un sourire d'innommable circonspect
la lumière crue qui interdit l’intime
la matraque imbécile d’un système incapable
les meurtres par milliards organisés par l’OMC
et nourris des idées de Smith and Co
les « on n’y peut rien » des responsables accablés
l’enfer de l’inertie baptisé justice
l’envers de la nasse qui enserre l’univers
il n’y a plus de races mais des contrôles au faciès
cosmopolite au pays des indigènes
tu perds la trace de ton idée
l’idée d’universel dans ce rengorgement sans relâche
la gauche incantatoire ou collabo
la droite de l’ordre et des mouchoirs
autant d’hypocrisie diffusée au cœur du toujours empire colonial
pays des droits des larmes et des discours
pays des leçons et des soupçons
des affairistes et des curés
c’est toujours une affaire de domination
quelque chose à écraser
et surtout quelques races à faire exister
à inventer encore par la ségrégation
et Lévi-Strauss n’y peut rien
ni les plus égaux que tous les autres
tellement égaux qu’il n’y a plus les autres
L’ŒIL A TOURNÉ DE L’HOMME
il n’en peut plus de ce temps circulaire
où rien ne change que pour revenir
ou rester là se consumant sans vergogne
la flèche du temps sera lancée encore
il faut tenter de vivre
le vent se lève !
L’ŒIL NE PLEURE JAMAIS
mais le corps tremble entre deux espaces
et toi tu pleures
avec ton cœur et tes amis
les meurtrissures ne remplacent pas les mots
on voudrait dire
on voudrait vivre
tandis que l’œil nous regarde
que l’œil nous dément
la question n’est pas de savoir si je vais bien
mais de savoir si les autres m’importent
ceux qui voudraient comme moi
se passer de passage à tabac
et que s’arrêtent les ethnocides toujours en cours
que les aveuglés ne veulent voir
alors qu’ils ne cessent de les montrer
les encourager, les permettre
pour que les affaires continuent de plus belle
la valeur n'est que valeur d'argent et de chiffres
L’ŒIL NE VAUT RIEN
mais le trafic d’organes nous apprend que si
et la vie, la tienne n’est pas la mienne
pourtant tu sais que c’est aussi notre vie
sauf à fermer la porte
sauf à nier l'écoutille, le pont, la mer et le vent
car c’est le même bateau qui nous porte
et nous déporte
vigueur et rigueur des valeurs
il n’y aurait que des solutions communes
et donc il n’y en aura pas, c’est le malheur
le combat continu continuera
tandis que l’agonie affûte ses points d’exclamation
toujours les mêmes qui courent après les mêmes
toujours le même théâtre de divagations
le même délire des circonstances
où tant bien que mal tu forges ta vie
dans l’ombre un éclair te fait perdre la face
L’ŒIL A TOURNÉ DE L’HOMME
ne croyez pas qu’il s’éteindra
enfin détaché de notre viande bientôt robot
qui n’a plus rien à penser
ni à se plaindre
la mort enfin prend les commandes
et elle encombre l’espace avec des stipendiés
des glossateurs, des gardiens de la guerre
avec des vivants par trop diserts
vivants qui ne le sont plus du tout
et toi qui avances dans le noir
où les mains pleuvent
les mains qui ont mal fait
les mains qui ont tant fait
les mains qui n'en peuvent mais
reste près de moi
toi qui es là
qui entends
parlons ensemble
doucement
doucement
et donnons un sens à cette seconde qui luit
comme un brin de paille dans l’étable
comme un brin de paille dans l’étable.[Avec des citations des Paul Valéry (en inversant les vers) et Verlaine, en italiques]
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