• Les fleuves qui écrivent l'histoire…

     Armand Gatti


     

    Le Foyle                                                        
     et le Pô                                   
     et la Kolyma    
     et l’Èbre
                                           et le Hoango

     

     

     Les fleuves qui                       
     écrivent                      
     l’histoire des terres

     



    et les fleuves, qui n’ont pas trouvé de terre pour en écrire l’Histoire saluent tes milliers de points cardinaux.
     Occitanie
    À la confluence de toutes les Garonne dont tu inventes
     et réinventes le cours venu
    des écritures dites et non dites
    Voici sept poètes déclamés ensemble par le même assassinat,
    avec leur démesure, et parfois leur anonymat d’étoile.
    Astronautes à leur façon
     en mal de traces de pas et de graphies
    (non sur la lune, mais sur les lunaisons
    qui vous ont ourdi le même destin)

    avec leurs émissions forcément pirates par lesquelles la Parole Errante s’est toujours dite

      le cri aujourd’hui de tes pierres hérétiques


    Toi émigrée dans ta propre langue émigrée dans tes propres murs

     qui continuent à te nommer à travers les siècles

    Toulouse-langage Sept poètes qui ont éclaboussé avec leur sang l’idée qu’on se fait des mouvements d’astre Sont dans tes murs

      comme sept terrains vagues
    où marteler

    les mots de leurs fleuves d’origine

     (comme toi

    tu martèles le temps avec tes heures de bronze). Sept poètes avec encore

     la corde au cou
      et le trou à la tempe

    à l’image de tes architectures en brique qui lancent à la conquête du ciel de chaque jour, le Réel et l’imaginaire

     (sans savoir qui est le fils de l’autre)

    te sacreront Capitale
    Albi à travers combien de regards légués de père à fils

     irréductible :

    voici sept poètes brûlés par le même soleil

     que celui de ton Histoire

    avec le dialogue jamais éteint de bûchers

     qu’ils portent en eux

    pour faire lever de tes murs

      des murs encore (ou toujours) insoumis

    La parole errant dans tes rues telle cette caméra (plantée vingt-quatre heures sans discontinuer devant l’Empire State Building) pour prouver

     que les constructions de l’homme respirent
     avec la même diastole que le cœur animal
     et la même systole que l’océan.

    Foix

      pétition des sept soleils de la Parole Errante                                      

    pour mettre chacun de tes visages en accord avec les astres

     (et l’essaim de spectres toujours contradictoires
     qu’avec elles portent les comètes)

    Que les Pentecôtes dont l’histoire a fait de toi l’asile servent à détruire l’Industrie du signe

     les poètes ont l’expérience des langues de feu

    avec leurs mots saltimbanques

     leurs cohortes de rois-images

    et leurs cris d’oiseaux

     dont on a retranché
     le Jour dont ils étaient porteurs.

    au Guatemala   (nom d’aigle

     figé par une flèche
     sur un livre d’histoire)

    en Espagne, en Irlande, et en Haïti Ils sont paroles de nulle part et de partout celles que parlent les cours d’eau aux villes qui les habitent. Sept poètes comme sept couleurs squatterisant l’arc-en-ciel au-dessus de toi

    Occitanie *

     


    Armand Gatti






    * Ce poème d’Armand Gatti est extrait d’une affiche publiée par l’Atelier de création populaire, Archéoptérix, à Toulouse en 1983. Repris dans Portrait de l'éditeur en montreur d'ours, Patrice Thierry, Les Amis de l'Éther Vague, 1999.






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