• My Horse and a Jukebox (Barney Bush)

      Barney Bush

    emprunté à la revue Jungle n°16 (1996)

                 

      Prologue

     
    Oui, voilà le
    centre de mon univers
    l'eau tourbillonnmte
    a et l'éclat du soleil
    et Ahweegimana, le
    rocher qui respire
          Les feuilles explosent là où
    Richard rit
    avec la loutre
    des tourbillons écumants
    déclinent avec les aiguilles de pin
    balayant le ciel
    le ciel de novembre
    à l'endroit où je suis né
    Voilà le centre
          de mon univers

    Ajuste cette plume
          de la queue d'un aigle
          dans tes cheveux
    et lève la tête vers la lumière
          qui illumine la cime
          des pins qui vibrent
          de tant de danseurs
          à leurs pieds
    Longtemps je suis
          resté ici et j'ai regardé
          les nuits passer
          ressenti la tristesse quand
          finit le pow wow même
          si je sais que je te reverrai
          toujours quelque part
          ainsi que les danseurs dans chaque
          lueur floue du feu
          sur les murs d 'adobe
    mais je veux te trouver
          quand les trembles jaunissent
          et que les oies me tirent
          de mon sommeil
    L'an dernier quand les matins
          gelèrent la mare
          et que les couvertures étaient tièdes
          les montagnes m'entouraient
          et donnaient au café chaud
          un bon goût
          je travaillais les peaux pour
          les rendre souples et gardais
          ma cognée affûtée pour les bûches
          de pin cembo
    là parmi les
          falaises rocailleuses de
          Hermifls Peak je trouvai
          cette plume
    Écoute l' eau clapoter
          sur la rive
          les feuilles sont cassantes
          l'été est presque fini
          les Badland Singers
          entament le dernier chant
          tard dans la nuit le vent soulève
          la poussière de la scène
          et
    les trembles jaunissent...



                ***


    Je pense aux lumières
          et aux nuits noires
          au temps dernier
          et combien de fois
          je me suis trouvé ici au
          cœur de notre
          autodestruction
    On dit qu'il va
          y avoir une fête
          Une bouteille de bière se fracasse dans
          le coin
          une branche de cèdre tombe
          au Kansas
          Une belle jeune fille indienne
          dans sa stupeur alcoolique
          tombe dans la rue
          et une brume s'accroche au-dessus d'elle
    halo de sang
    les bars indiens de Minneapolis
          et les cieux qui ne donnent
          pas vie au béton
    vous avez séparé le
          soleil de l'esprit de cette fille
          et de l'homme qui essaya
          de la sauver, couvert de
          son propre sang
          battu par ses amis
          qui voulaient la voir mourir
    Les voitures de police et leurs gyrophares rouges
          arrivant dans la nuit
          donnant des ordres
          répétés sans cesse
          plaquant les jeunes hommes
          sur les toits des voitures
          entravant les bras qui frappent
          dans une furie
          aveugle — l'ennemi est
          toujours ailleurs sans
          visage et sans bouche mais
          le regard éteint qui
          contrôle ia nature
          pervertie par
          le béton
    Les jeunes âmes crient fièrement
          «je suis Indien !»
          Vos gueules
          prenez votre poison
          vous pouvez choisir -
          l'endroit où vous
          mourrez
          Parlez de votre honneur aux
          Blancs
          vos beaux visages et
          corps couverts de cicatrices
          dans de nombreuses bagarres pour l'honneur
          devant les bars
          Parlez des temps anciens
          et des traditions que
          vous n'avez jamais vécues
          Écoutez les tambours d'eau
          battre dans votre sommeil
          Ce n'est que votre cœur
          qui bat la chamade .
          de trop de hauts
          et de bas
    Expliquez cela à vos ancêtres
    quand vous devrez leur
          faire face
          et accomplissez votre
          première véritable marche
          et dernière vision de ce que
          vos vies auraient pu
          être
          dans les grands pins
          qui bordent les torrents
          clairs et froids
          dans l'air parfumé
          par les trembles des montagnes
    Ils danseront et
          chanteront pour vous
          mais ils seront couverts de
          larmes — car ceux qui
          ont choisi leur vie ne verront plus jamais
          le petit matin.




                ***



    Les colombes se posèrent
    avant le coucher du soleil
    près de la mare emplie
    d'odeurs animales
    J'aurai pu marcher
    à travers un nuage au-dessus
    des montagnes de San Francisco
    jusqu'aux contreforts de l'Est
    faisant halte pour écouter
    le chant du vent
    vient de loin soufflant
    en rafales à travers les
    branches des pins — et disparaît
    la pluie chante étrangement
    comme jamais je ne l'ai entendue
    prévenant d'une tempête
    excitant les moucherolles
    qui pullulent autour de la mare
    Richard vit le cerf
    le premier
    qui regardait calmement
    du haut de la montagne
    Joy le suivait
    parmi les grands pins ponderosas
    et s'installa au bord de l'eau
    attendant que les guerriers
    capturent cette fille Creek
    Nous marchons sous la lune
    pour scruter le ciel et nous consulter
    sur la bonne direction
    hochant la tête de temps en temps
    pour rester dans le rythme avec le tambour
    qui nous frappe de ses durs éclairs
    hésitant entre avancer ou s'arrêter
    car nous savons que nous
    appartenons aux ombres
    englouties dans le
    lac après le coucher du soleil.


    Pour Joy Harja

    Barney Bush
    Traduit de l'américain par
    Manuel Van Thimen

     

    publié in  Jungle n°16 (1996)






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