• nuit du 15 novembre 2009

     Jean-Claude Leroy

    lecteur de news (Varanasi)

     

     

     

     

     

     

    Le difficile est de partir — quitter. S'éloigner des regards habitués (comme la mort enlèvera les compagnons). Par ces petites hardiesses on commence à prendre la mesure des choses, en même temps qu'on devient insulaire. Quitter pour être avec, sans résistance. Mais celui qui part sait-il que le retour est interdit ? Des fantômes occupent déjà la place qu'il a laissée. Lui restera prisonnier de cet ailleurs qu'il a voulu croire toucher. Car les sédentaires se protègent cruellement des errants, des fois que ceux-ci provoqueraient d'autres sortes de séparation. Comme s'ils soupçonnaient, en leur sagesse, que la vie simple n'est plus encourue par le dernier « aspect » du revenant.

     

    Personne dans le refuge ne sait me dire le nom du funambule. J'attire à moi les secousses.

     

    Achat d'un parapluie. Depuis, pas une goutte d'eau.

     

    Peur immobile d'être voyeur… Violente révélation du présent bonheur.

     

    Une image jetant aux yeux la foudre et le hoquet. La mort cultivant ses dahlias, le crédit.

     

    Sable sans étrier. Enfants, pâture des vagues.

     

    Élan brisé sur les rochers, des perles jaillissent à mes pieds. Ce soir, mer en colère, et câline, et tiède. Amoureuse se livrant sans vergogne. Son lait (ses gifles séminales). Mains dépourvues d'ongles.

     

    Le danger à éventer les secrets qui méritaient un religieux silence. Haine de la curiosité, outil de possession, de destruction.

     

    Gare de Vilupuram. Mon sac paraît plus lourd qu'il n'était il y a deux semaines, je deviens moins fort.

     

    L'éléphant radieux qui va de la trompe dans tous les magasins de porcelaine. Madurai, gaieté marchande, bluffs à la brillantine… Le fameux temple : d'abord la galerie des mille colonnes, ensuite les heures près du bassin au lotus d'or, dans la solitude de l'après-midi.

     

    Sans conversation, sans repère familier, j'instaure une régularité pour ne pas me perdre. Encombrement de rêves au matin. L'enfance qui affleure. Mes songes de la nuit contiennent mes assauts vers le passé — ou du passé — quand ceux du jour se chargent de caresser mon avenir idéal.

     

    Dormir. M'ennuyer… Bander, malgré les idées noires.


    J-C L

    Journal d'Inde (1990)





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  • Commentaires

    1
    Hélène. L.
    Lundi 21 Décembre 2009 à 20:16
    Encombrement de rêves au matin. L'enfance qui affleure. Mes songes de la nuit contiennent mes assauts vers le passé — ou du passé — quand ceux du jour se chargent de caresser mon avenir idéal.
    Je ne sais pas pourquoi, mais ces phrases me touchent énormément. Deux mots me viennent à l'esprit, non seulement pour ces phrases mais pour le texte entier : émotion et sensibilité.


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