• Pas tout à la fin (Guy Benoit)

     Guy Benoit  

    « J’ai sommeil de mourir. »
    Georges Rodenbach


    « Vie ! comme tu vivrais…
    Si tu n’étais la faim énorme de la mort. »
    Marcelle Delpastre

     

    (Je me pousse à bout, l’autre et les autres.

    Passer la main, subrepticement à une vraie hauteur d’expiré.

    Le gisant, côtoyé

    cède la place à l’accolade.)

     


              *



    c’est à partir
    que la vision change

    tant et si bien qu’il a quitté

    dans la campagne
    avec le sang, petit à petit
    des coquelicots

    tant et si bien qu’au moment

    il sera quitte

    où brûler l’un
    à l’autre, le refuge

     


              *

     


    complice de tous les styles

    la terre, trop souvent retournée

    des arrangements peinent à voir
    dans l’ordre de la nature

    les yeux perdus dans nos pensées

    est-ce de nuit
    que la vie baisse

     


              *




    je parle d’où je cause

    à petit feu

    témoin de l’épuisement
    épuisant tout et son contraire
    de même que leur linceul

    là, un cerveau

    recouvert par l’itinéraire des vivants

    quand il est dit : entre !
    avec l’extrême sentiment et la ressource

    des larmes

     


              *



    l’intonation, la présente

    d’aller entendre
    chaque fois que tu oses
    jusqu’au décès de l’air

    (on met l’accent sur le détail
    enclos dans le cheminement)

    sans oublier quel beau soir

    et l’homme qui écoute, inconsolable

     


              *



    les éléments ne trompent personne

    dans un pays en dormance

    puisses-tu l’employer

    parfois, les nuages rechignent
    aux carcasses de lumière

     


              *




    par houle d’ouest, je traverse
    d’improbables bilans


    j’ai rôdé comme un voleur
    où les ossements rassemblent
    à longueur de vie


    une flambée d’étoiles, la minute

     


              *



    on n’explique pas les vanités
    par le contour de son ombre

    moins de langage

    qu’on traîne derrière soi

    et le ciel bleu des morts

     


              *



    d’assez bonnes raisons
    pour un crâne qui fait
    qu’être homme

    qu’en sait-elle, la lumière

     


              *




    qu’en sait-elle, la lumière

    et du travail des infinis

    de s’être vus

     


              *



    la mort n’est pas finie

    bouts de phrases dans un espace futur

    de grandes dépenses musculaires
    s’échappent dans les plis de l’univers
    qu’occupe chaque premier pas

    lueur pâle à la lumière de tous
    comme pour atteindre

    mais nous, où irons-nous

    à nous demander

     


              *



    l’amour
    le manque d’amour
    la mort de l’amour
    tout le noir

    tout le noir, tiré du sommeil

    l’intouchable chair
    où l’on couche les ombres

    plus fort le noir, tout le noir

    ne cesse de battre

    de nos paupières fermées

     


              *



    dernière fois, la nuit observe

    la dispersion

    la nuit disperse
    les observables

    au mieux le voisinage
    d’une dernière fois

    et la peine incompressible du langage

    la seule qu’on ne puisse
    comment dire

     


              *




    des mots à la limite d’arrêter

    en quatrième vitesse
    ne bougez plus

     


              *



    s’en fout le temps
    jamais à la même heure

    proche de la fin

    mais pas tout à la fin

    l’ultime

    in Pas tout à la fin 

    éd. Les Amis de l'Éther Vague, 2002.


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