• Tiens (pourquoi le titre)

    TIENS, “revue locale d’expression universelle”

    Comment vient le titre.
    Rapport de ce titre avec le contenu de la revue.

    Un certain soir de deuil, j’ai marché sans rien voir le long du halage, avec toute mon angoisse qui me bouffait les tripes. Et j’ai vu finalement que le seul moyen de ne pas céder à la prostration était de s’engager plus avant, plus seul, sans peur aucune, désormais.
    Je venais d’acquérir un MAC d’occase avec l’argent de la vente d’un Rollei 6x6, compagnon négligé depuis quelques années. Au moment même de décider l’aventure - faire une revue - me venait son caractère possible, son titre, son sous-titre, des pseudos. C’était là, en fait, depuis longtemps en réserve, ça a ressurgi tout de suite de la mémoire. Toutes ces choses auxquelles on pense et qui demeurent à l’état de rêves perdus parmi pas mal d’autres, aussi invalides a priori !
    TIENS, c’était le nom d’un spectacle, le premier spectacle poétique que j’ai vu, ça venait d’un poème de François Béchu, et c’était lui sur la scène. J’avais aimé ce ton direct, cette adresse franche à chacun, ce tutoiement. Après en avoir glisser un mot à ce même François, je reprendrais donc ce titre pour ma revue. Tiens, sans point d’exclamation, pour enrichir le/les sens possible(s), afin qu’on puisse aussi comprendre ce titre comme le substantif tien au pluriel. Dans tous les cas on entend la gratuité, l’immédiateté, le plain-pied avec l’autre, le partage spontané, la simplicité (mon dernier mot ?).
    J’ajoutai un sous-titre pour spécifier - avec un peu beaucoup d’ironie, je crois - le caractère de l’entreprise. Produire encore une revue de poésie, alors qu’il y en déjà des tonnes ? Plutôt donner à celle-ci une ambition précise, tenter de toucher un public local, changer la vie autour de soi, en quelque sorte ! Et ainsi être plus ambitieux, il me semble, que de simplement vouloir être un véhicule de plus sur les voies de circulation poétique. Trouver donc dans le paysage littéraire, artistique mayennais des éléments de qualité (par chance, il y en a), les présenter, les exposer dans la revue. Mais aussi amener l’éventuel lectorat mayennais à lire et découvrir des auteurs que les initiés en poésie, littérature, etc. connaissent, mais qui restent confidentiels. J’ai pensé à la formule de Miguel Torga : “Le local c’est l’universel sans les murs” et j’en ai fait une “revue locale d’expression universelle”. Ce qui m’a permis - à partir d’un concept pompeux (mais juteux !) - de publier des inédits de Marcel Moreau, Jacques Josse, Alain Jégou, Georges Henein, Julien Bosc…, de publier mes voisins Luca Hees, Guy Benoit (dont l’expérience et l’amitié me sont plus que précieuses), Patrice Repusseau (pur et lumineux, que Tiens m’a permis de rencontrer), l’adolescent Joachim Clémence, de faire connaître le philosophe d’origine lavalloise Jean-Marie Guyau (qui devait faire par la suite l’objet d’un numéro spécial de la revue de sciences humaines Sociétés) de faire un numéro enquête avec 7 artistes mayennais, avec toujours une chronique locale où, le plus souvent, je me lâche un peu sur certains aspects du paysage politique local, pas triste - un bon moyen de se faire des amis !… Les artistes : José Sciuto & Marc Girard, amis-peintres fidèles et inspirés, ont souvent mis leur talent au service de TIENS et ont contribué à en faire un objet agréable, d’un rapport qualité visuelle/prix ô combien honnête. Enfin bref (déjà !), jusqu’alors 8 numéros (un n°9 en préparation, entièrement poétique, qui va faire mal !) tirés chacun à 150 exemplaires, quasi tous épuisés, vendus et donnés essentiellement à Laval (en librairies), sans aucun militantisme, prix littéraire à la noix, soirée poétiqueue ennuyeuse, ni affichage, ni article dans la presse.
    Maintenant que je suis installé au Mans, il faudra voir par quel bout, bout d’aire ou bout d’un (aïe !) ça va prendre. et tenir.

    j-c l

    in revue Décharge (n° ?)